Et pourtant, silence, encore et toujours. Il faut vraiment insister pour parvenir à trouver quelques informations sur la grève de 1948.
Le 4 octobre 1948 commence la grève générale des mineurs, votée à 90%. Après la guerre, la France a demandé à ces hommes, pour reconstruire le pays, de rattraper le retard de production dû à la guerre. Or, à l'époque, le charbon représente 85% de la consommation. Et ils vont le faire, en un temps record : en 1947, ils sont parvenus à dépasser les 28 millions de tonnes produites ! Ils ont travaillé comme des forçats pour relever le défi en deux années seulement. Ils ont quelques compensations avec un statut qui leur accorde le droit au logement et au chauffage gratuit. Rien d'extravagant en somme vous en conviendrez. Or une circulaire de septembre 1947 qui supprimait le salaire garanti et déclarée illégale par le Conseil des Prud'homme le 3 juin 1948, puis des décrets de septembre 1948 vont remettre en question le statut des mineurs voté en 1946.
Jules Moch, ministre de l'Intérieur, décide dès le début de la grève de répondre par la répression dure, armée et sanglante. Au quatrième jour de grève, un premier mineur est sauvagement tué. L'armée et ses tanks sont également envoyés pour écraser la grève qui durera 56 jours, jusqu'au 29 novembre. A l'issue de celle-ci, plus de 3 000 mineurs sont purement et simplement licenciés par Charbonnages de France et même ostracisés. En effet, ils sont immédiatement privés de leur logement et de tous leurs avantages, y compris leur régime minier de sécurité sociale. Au-delà ces hommes sont marqués au fer rouge et rejetés de la vie professionnelle. Parmi les mineurs les plus actifs, il y avait de nombreux déportés durant la guerre en raison de leur engagement dans la résistance. Une double peine tombée dans l'oubli pendant plusieurs décennies.
Grâce à la persévérance de quelque avocats, et après plus de soixante ans, la Cour d'Appel de Versailles a rendu un arrêt le 10 mars 2011 donnant raison aux mineurs et à leur famille, condamnant l'Etat à les indemniser. Selon Maître Slim Ben Achour, un des quatre avocats des mineurs et de leurs familes (car il ne reste que 17 survivants), la Cour a en effet estimé que les ruptures de contrat de travail étaient bien relatives au "droit de grève, un droit protégé par la Constitution, et déjà par le préambule de la Constitution de 1946, deux ans avant les grèves »... « Les lois de la République ont reconnu à partir de 1984 puis ensuite par des lois de 2004, que les mineurs qui avaient perdu leur travail en 1948 (…) l’avaient perdu en raison de l’exercice du droit de grève », a expliqué l’avocat.
En mars, cet arrêt était bel et bien une victoire sur l'oubli, une restitution de leur dignité pour les familles des mineurs. Or cette réparation aura été que de courte de durée puisque, quelques semaines plus tard, l'Etat s'est pourvu en Cassation contre l'arrêt de la Cour d'Appel...
A écouter ou réécouter, en podcast : Là-bas si j'y suis, l'émission de Daniel MERMET, reportage de Charlotte Perry, diffusé en trois parties : les 14, 15 et 16 juin 2011 sur France Inter.