dimanche 3 juillet 2011

A cor et à cri

"Ce qui est terrible sur cette terre, c'est que tout le monde à ses raisons" Jean Renoir

Nous sommes 62 jours plus tard et on revit la même histoire. En sens inverse, certes, mais le principe reste identique. Déferlement de commentaires en tout genre, chacun sait parce qu'il a lu, entendu ou vu ce qu'un autre raconte avoir vu ou entendu de "sources certaines", proches de ceux qui auraient réellement des informations. Une fois encore, nous sommes en présence d'un grand n'importe quoi.

J'ai dit plus tôt dans ces lignes que j'étais consternée par l'emballement médiatique des jours qui ont suivi ce funeste 14 mai 2011. Je le redis aujourd'hui pour les mêmes raisons : le grand déballage présent sur tout type de médias m'exaspère.

Même si je peux comprendre les raisons qui nous poussent à vouloir savoir, nous avons subi "la nouvelle" arrivée en France au matin du 15 mai dernier avec la même stupéfaction que celle éprouvée devant notre téléviseur le 11 septembre 2001. Dans un genre différent, bien sûr (que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit ni pensé), mais le choc étant tellement violent pour nos consciences que nous avons ressenti inconsciemment l'impossibilité d'un tel événement. Dans le déni, abasourdis par "la nouvelle", nous sommes alors contraints de la voir en boucle pour obtenir l'effet d'un pincement nous confirmant que nous sommes bien éveillés, bien dans la réalité.

Dans les jours qui ont suivi nous avons pu lire toutes sortes d'âneries sur la vie privée (donc qui ne nous regarde pas) d'un homme en provenance "des milieux autorisés", comme l'aurait dit notre ami Coluche, qui avaient tous quelque chose à dire, à démontrer, à développer, à exposer. Chacun savait que... pour avoir entendu que... J'étais alors de ceux, comme Robert Badinter, qui dénonçaient avec force cet insupportable procédé, qui défendaient la présomption d'innocence de toutes leurs forces. Je le reste définitivement. J'en ai profité pour rappeler que DSK n'était pas le seul présumé innocent à être pris dans les mailles de la justice, que cette douloureuse expérience lui conférerait un jour la légitimité indiscutable pour parler au nom de ceux n'ont pas la parole et se retrouvent détruits, broyés par la machine judiciaire. J'avais également espéré que nos médias prolixes s'intéressent davantage au fonctionnement de notre droit pénal pour mieux le comparer avec celui des Etats-Unis. A mon sens, il s'agissait là des seuls commentaires pertinents à faire sur l'affaire en cours ; comme pour chaque affaire d'ailleurs dont nous n'avons pas connaissance de tous les éléments. Que penser de la stratégie d'un procureur dont l'avenir dépend des électeurs ? Voilà un thème de débat passionnant, y compris en France, là où on n'hésite pas à prendre quelques libertés avec les règles de notre droit pénal. Un tel débat aurait même pu rapprocher les citoyens français de leur justice... dommage...

Puis le consensus s'est établi et le calme est revenu. Provisoirement....

Aujourd'hui, nous vivons la situation diamétralement opposée avec les mêmes flots de papier qui reproduisent ce qu'ils ont récupéré à droite ou gauche comme informations. Combien sont vérifiées ? Toutes ? Sont-elles établies et incontestables ? Avant d'écrire pour vendre, il serait judicieux de s'interroger sur les conséquences de ce que l'on écrit pour les individus personnellement concernés, victime ou auteur présumés. Tous devraient avoir bien présent à l'esprit au moment de prendre la plume le proverbe "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose" et en faire un postulat irréfragable, un dogme incontestable, guidant l'exposé de leur raisonnement. Ayons la sagesse, voire l'humilité, de laisser les juges instruire et juger et les journalistes nous informer une fois les vérifications de rigueur effectuées.