lundi 28 mai 2012

Entretien avec Rita Levi-Montalcini

Comment célébrer vos 100 ans ?
Je ne sais pas si je vivrai jusque là, de plus les célébrations ne me plaisent pas.
Ce qui m’intéresse et me plaît, c’est ce que je fais chaque jour.

Et que faites-vous ?
Je travaille à obtenir des bourses d’étude pour des fillettes africaines afin qu’elles étudient et se préparent à travailler pour l’avancement de leurs pays. Je poursuis mes recherches, je poursuis ma réflexion.

Vous n’êtes pas à la retraite ?
Jamais !
La retraite détruit le cerveau.
De nombreuses personnes à la retraite abandonnent, cela tue le cerveau et rend malade.

Comment fonctionne votre cerveau ?
Exactement comme à mes 20 ans.

Je ne note aucune différence dans mes désirs ni dans mes capacités.
Mon corps se ride, c’est inévitable, mais pas le cerveau. Le secret, c’est de demeurer curieux, engagé et d’avoir des passions.

Demain je participerai à un congrès médical.

Mais n’y aurait-il pas quelque limite génétique ?
Non.
Mon cerveau aura bientôt un siècle…, mais il ne connaît pas la sénilité.

Comment cela est possible ?
Nous jouissons d’une grande plasticité neuronale. Même si des neurones meurent, ceux qui restent se réorganisent pour maintenir les mêmes fonctions, mais encore faut-il les stimuler.

Aidez-moi à le faire.
Maintenez des désirs, activez votre cerveau, faites-le fonctionner, ainsi il ne dégénérera jamais.

Et je vivrai plus longtemps ?
Vous vivrez mieux les années que vous aurez à vivre. Ce qui est intéressant.

La vôtre fut la recherche scientifique.
Oui, et je continue aussi passionnée.

Vous avez découvert comment croissent et se renouvellent les cellules du système nerveux.
Oui, en 1942. J’ai appelé cette découverte : ‘‘Nerve Growth Factor -  NGF’’ (facteur de croissance nerveuse). Pendant presqu’un demi-siècle je fus interdite, jusqu’à ce que soit reconnue la validité de ma découverte.
En 1986 je reçu pour cette découverte le Prix Nobel.

Comment une jeune fille italienne des années 20 est-elle parvenue à devenir neuroscientifique ?
Depuis l’enfance je me suis dédiée à étudier. Mon père voulait que je fasse un bon mariage, que je sois une bonne épouse et une bonne mère, mais j’ai refusé. Je me suis tenue devant lui et je lui ai dit que je voulais étudier.

Quelle contrariété ce père, non ?
Oui. Je ne me sentais pas heureuse enfant. Je me sentais un vilain petit canard, sotte et très peu de chose.
Mes frères aînés étaient brillants et je me sentais tellement inférieure.


Je vois que vous avez fait de cela un stimulant.
Oui, mais l’exemple du docteur Albert Schweitzer, qui était en Afrique pour pallier à la lèpre m’a aussi stimulée. J’ai désiré aider ceux qui souffraient, c’était mon grand rêve.

Vous l’avez réalisé, au moyen de la science.
Plutôt en aidant aujourd’hui les fillettes d’Afrique pour qu’elles puissent étudier.
Nous luttons contre la maladie, oui, mais tout peut s’améliorer si nous arrêtons l’oppression de la femme dans les pays islamiques.

La religion est-elle un frein au développement cognitif, au développement de la connaissance ? 
Oui la religion marginalise la femme face à l’homme, elle la met de côté quant au développement des connaissances.

Existe-t-il une différence entre le cerveau d’un homme et celui d’une femme ?
Seulement dans les fonctions cérébrales qui sont en relation avec les émotions liées au système endocrinien. Quant aux fonctions cognitives, il n’y a aucune différence.

Pourquoi y a-t-il encore très peu de femmes scientifiques ?
Non, ce n’est pas ainsi !
Plusieurs découvertes scientifiques attribuées à des hommes furent en réalité l’œuvre de leurs sœurs, épouses ou filles.

C'est vrai ?
On n’admettait pas l’intelligence féminine, on la laissait dans l’ombre.
Heureusement aujourd’hui il y a plus de femmes que d’hommes dans l’investigation scientifique : Les héritières d’Hypatia.

La sage Alexandrine du IV siècle…
Maintenant nous ne terminerons plus assassinées dans la rue par des moines misogynes chrétiens, comme elle. Certainement quelque chose s’est amélioré dans le monde.

Personne n’a essayé de vous assassiner ?
Durant le fascisme, Mussolini a voulu imiter Hitler dans la persécution juive. J’ai dû me cacher un temps. Mais je n’ai jamais cessé mes recherches. J’ai monté un laboratoire dans ma chambre à coucher.
C’est à cette période que j’ai découvert l’apoptosis, ou la mort programmée des cellules.

Pourquoi un pourcentage aussi élevé de scientifiques et d’intellectuels parmi les juifs ?
L’exclusion a provoqué chez les juifs le travail intellectuel : on peut tout prohiber, mais pas la pensée.
En effet il y a plusieurs prix Nobel parmi les juifs.

Comment vous expliquez-vous la folie nazi ?
Hitler et Mussolini savaient parler aux foules. Le cerveau émotionnel prédomine toujours sur le cerveau néocortical, l’intellectuel. Ils manipulaient les émotions, non la raison.

Est-ce encore ainsi aujourd’hui ?
Pourquoi croyez-vous que dans plusieurs écoles des Etats-Unis on enseigne le créationnisme au lieu de l’évolutionnisme ?

L’idéologie est émotion, elle est sans raison.
La raison est fille de l’imperfection. Chez les invertébrés tout est programmé : ils sont parfaits. Nous, non ! Étant imparfaits, nous avons recours à la raison, aux valeurs éthiques comme discerner entre le bien et le mal. C’est le plus haut grade de l’évolution darwinienne !

Vous ne vous êtes jamais mariée, vous n’avez pas eu d’enfant ?
Non. Je suis entrée dans la jungle du système nerveux. Je suis demeurée fascinée par sa beauté et j’ai décidé de lui dédier tout mon temps, toute ma vie.

Parviendrons-nous un jour à guérir les maladies d’Alzheimer, Parkinson, la démence sénile ?
Guérir… ? Nous parviendrons à freiner, retarder, minimiser toutes ces maladies.

Quel est aujourd’hui votre grand rêve ?
Qu’un jour nous parvenions à utiliser au maximum la capacité cognitive de notre cerveau.

Quand avez-vous cessé de vous sentir un vilain petit canard ?
Encore aujourd’hui, je demeure consciente de mes limites.

Qu’est-ce qui fut le meilleur dans votre vie ?
Aider les autres.

Que feriez-vous aujourd’hui, si vous aviez 20 ans ?
Mais, je suis en train de le faire !

Rita Levi-Montalcini
la plus âgée de tous les Prix Nobel a eu 100 ans le 22 avril 2009

dimanche 13 mai 2012

G8 : G FAIM !

Le premier des bons ménages est celui que l'on fait avec sa conscience. Victor HUGO

Les 18 et 19 mai prochains, aura lieu le G8 à Camp David. Vous savez cette réunion des pays les plus puissants au plan économique qui s'arrogent, en conséquence, le droit - et le devoir ? - d'organiser les relations mondiales... mais, hélas, comme tout cela est informel, c'est à dire non structuré au plan juridique, alors bien que leurs décisions pèsent sur l'ensemble des pays, personne n'a les moyens de les contester...

911 339 502 personnes sous-alimentées et 1 557 112 035 autres en surpoids... une planète qui pourrait nourrir 12 milliards d'êtres humains... mais laissent pourtant mourir de faim chaque jour environ 25 000 individus... des ressources détournées par les trusts agro-alimentaires... et les organisations mondiales, dirigées par les pays riches auto-proclamés seuls compétents en matière économique... 

Et nous sommes en 2012, et nous continuons de nous poser la question de la faim sans en voir la fin...

A lire : Jean ZIEGLER, Destruction massive - Géopolitique de la faim, aux éditions du SEUIL
A voir : ce que les organisations internationales ont fait du Ghana : Mondialisation - Quand le FMI fabrique la misère de Stuart TANNER diffusé sur Canal + magazine Spécial Investigation.

A faire : n'y a-t-il donc rien, vraiment rien, à faire ???